KoalaVolant

Toutes les familles ont leur lot de squelettes dans le placard. Dans le cas de celle de Carmina, il y avait bien entendu la disparition de sa grande sœur, qui commençait à ne plus laisser aucun doute sur le fait qu'elle n'était sans doute plus de ce monde, mais il y avait aussi l'existence de Trix. Le pauvre n'y était pour rien, d'ailleurs personne ne lui en voulait, mais il n'était forcément pas né sous le meilleur auspice qui soit. Irene, la mère de Carmina, avait toujours fait en sorte qu'il sache qu'il avait une famille, quelque part, des gens qui seraient là pour lui, mais puisqu'il était si loin de la Galice et au contraire si près de sa cousine, c'était à Carmina d'être là pour lui. Elle n'en était pas dérangée le moins du monde, au contraire. Elle avait été élevée dans ce mélange de sens de la famille obligatoire et cette envie réelle d'avoir des gens auxquels elle était liée et attachée, et quoi de mieux que le mot « famille » pour se rassembler tous ensemble ? Il était encore plus doux d'offrir ce sentiment à quelqu'un d'autre, ou du moins d'essayer de le faire, car elle ne prétendait en aucun cas être à la hauteur à ce sujet, mais elle espérait sincèrement que Trix se sente à l'aise avec elle.

Elle l'espérait vraiment, parce qu'à l'instant, elle ne se sentait vraiment pas à l'aise elle-même, et ce n'était pas du tout dû à la présence de l'hérésie. Indirectement, du moins.
A force de manger un plus équilibré pour être un calice en bonne santé, elle avait réussi à prendre un petit kilo, qui à défaut d'être en trop était tout de même incommodant quand il s'agissait de passer ses jeans, notamment les coupés slims. Elle devrait probablement envisager d'en racheter, de prendre le temps pour faire une sessions shopping, mais pour l'heure, elle devait surtout se préparer à descendre au rez-de-chaussée pour finir les préparatifs de la petite soirée qu'ils avaient prévue tous les deux. Elle n'avait pas entendu la porte, mais elle entendit en revanche l'appel du jeune homme qui était visiblement déjà entré, et qui la fit sursauter entre deux sautillements pour entrer dans son jean, au point de la faire tomber à la renverse dans la baignoire qui se trouvait derrière elle, une jambe coincée entre la poitrine et le robinet, le pied en l'air dans une tension comique et les lunettes de travers sur le nez. Ah, si Aphobis la voyait ! Il lui ferait sans doute une gentille remarque sur le fait qu'elle était terriblement maladroite en l'aidant à se remettre sur ses pieds avec toute la délicatesse que sa force lui permettrait. Mais non, pas de bel égyptien pour la remettre sur pieds avec un sourire intérieur et de belles mains froides qui l'aurait faite tressaillir au moment de toucher son ventre son dos nu, car elle n'avait pas encore passé son haut.

Elle aurait sans doute pu appeler Trix à l'aide, mais le peu de fierté qu'elle avait l'aurait très mal vécu, aussi, elle se tortilla comme un asticot, dans un manque de grâce à toute épreuve, et se tira de son piège tout blanc et terriblement glissant. Une fois sur ses pieds, Carmina remit ses lunettes en place et vérifia qu'elle n'avait aucune tache d'eau à un endroit suspect sur son pantalon, avant d'attraper son haut en murmurant des jurons car elle aurait adoré pouvoir aller plus vite mais ne pouvait pas vraiment remonter le temps pour être déjà en bas avec son cousin. Ce qui était fait était fait. En petites chaussettes sous son jean clair retroussé sur lequel elle avait passé un t-shirt noir un peu ample et noué à la taille, elle dévala l'escalier à pas de loup en essayant de ne pas se vautrer au passage. Elle arriva dans la cuisine, se disant qu'heureusement, son beau-frère était parti avec son neveu voir ses parents en Floride, car même s'il était cool dans l'ensemble, il avait aussi quelques principes de vieux bourge qui la rendaient folle, et qui ne plaisaient pas non plus beaucoup à sa sœur, quand elle était là.

La petite galicienne n'avait bien entendu pas pu entendre le verre se briser, aussi quand elle arriva, elle trouva Trix en train de retirer des bouts de verre de sa paume. Ouvrant de grands yeux surpris, elle s'approcha en s'exclamant : « Trix, mais qu'est-ce que tu t'es fait ? Viens là, je vais t'aider. » Elle savait par expérience et à cause de son travail que les hérésies ne ressentaient pas la douleur, mais ce n'était pas une si bonne nouvelle. Ne pas sentir une fracture ne la faisait pas disparaître pour autant. Doucement mais avec fermeté, elle prit sa main et l'amena vers l'évier au-dessus duquel elle alluma un petit spot supplémentaire dont la lumière crue laissa voir tous les éclats restants. Le plus délicatement possible, elle commença à enlever les plus gros morceaux en les attrapant entre ses doigts fins. Avec un léger sourire, elle lui parla plus doucement : « Je vois que tu as bien hérité de la maladresse familiale. Je ne sais pas si c'est une très bonne chose pour toi. Tiens, passe quand même un peu d'eau pour enlever les derniers éclats qui traîneraient, je vais chercher de quoi te faire un petit pansement, quand même. » Elle le laissa faire et alla dans les toilettes du rez-de-chaussé dans lesquelles se trouvaient une petite armoire à pharmacie, où elle prit du désinfectant et des pansements. Après être revenue près de lui, elle utilisa le spray et entreprit de sécher sa peau et d'y coller de quoi couvrir les plaies. Est-ce qu'elle lui avait laissé le choix ? La réponse était évidemment non. Carmina avait une certaine autorité de nature, même si elle le faisait passer en douceur, et ce n'était pas toujours au goût de tout le monde, mais quand elle estimait avoir raison, allez lui faire comprendre que ce n'était pas le cas ! « Et voilà ! » Elle jeta un coup d'oeil à ce qu'il avait déposé. « Eh bien, tout un programme ! Mais ça sera parfait avec ce que j'ai préparé. Tu aimes les pizzas ? »

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