Novembre 2023

Je viens à peine de rentrer de cure. Oui j’ai décidé de l’appeler ainsi. Une cure terriblement mauvaise, épuisante et douloureuse. Je suis fatiguée et je sais, maintenant, que tout ça n’a servit à rien. Je me sens bien pire que lorsque l’on est partis pour ce maudit labo où mon père a absolument voulu m’emmener pour subir ma chimio et des essais cliniques visant à me guérir de la maladie génétique avec laquelle j’ai grandit. J’ai vraiment eu l’impression d’être un cobaye et d’être considéré comme un être sans sentiments. J’en ai terriblement voulu à mon père et maintenant que je suis à la maison, vautrée dans mon lit, je n’ai même pas le courage d’appeler mes amis qui étaient pourtant là pour moi, à distance. J’ai toujours refusé de leur parler au téléphone ou encore de faire des visio. Je ne suis franchement pas belle à voir. Je sais bien que d’ici quelques jours ça ira mieux mais ce soir encore, j’ai une mine affreuse. Les produits me donnent la nausée. Malgré tout ce que j’ai mangé j’ai perdu du poids et j’ai l’impression de me sentir mourir. J’aurais préféré profiter de ces deux derniers mois plutôt que de restée enfermée à subir des injections dans tous les sens.

Je finis par m’endormir, habillée, la perruque tombée au sol. Mon sommeile st agité avant de revenir sur l’image de l’océan quis ‘est gravée dans ma mémoire lorsque Lupe m’a appelé en visio la veille de mon départ. Je souris, de bien être et à l’idée qu’un jour je verrai ce décor pour de vrai. Quand soudain, je vois des cailloux se jeter sur l’eau sans que personne ne les jette. Il ne me faut pas très longtemps pour réaliser que le bruit que j’entends ne viens pas de mon rêve mais du monde qui m’entourre, dans ma chambre. Lentement, j’ouvre les yeux et j’entends le bruit sourd d’une pierre qu’on lance contre ma fenêtre. Udeh faisait ça pour venir me chercher dans la nuit; Je sortais alors en catimini et nous allions tout au fond du domaine, dans le petit jardin d’hiver. Au chaud. J’avais pris l’habitude de me caler contre lui, mon dos contre son torse et on se papouillait souvent les avants bras. On parlait de tout et de rien, de nos casseroles, de nos joies et de nos espoirs. Il me racontait comment était sa vie, là, dehors, il me ramenait des choses à manger aussi. On s’est amusés plusieurs fois à construire de petites choses aussi, rien qu’à nous. Comme cette boîte aux lettres où il déposait souvent une lettre dedans ou autre chose.

Je réalise alors que le bruit est réel et qu’il y a vraiment des pierres qui heurtent ma fenêtre ! Je regarde l’heure. Il est prêt de 21h ! Mais qui est là? Je me lève, tant bien que mal et surtout douloureuse et je vais voir à la fenêtre. “ Udeh ? Mais qu’est ce que tu fais là à cette heure ci ! Tu es fous !” Mais je souris, carrément ravie de le voir. Je n’ai plus de cheveux, ma peau est rouge écarlate, mes poignets sont remplis de traces de piqures mais il est là, devant moi alors je suis heureuse ! Mon ami d’enfance, cet ami qui ne m’a jamais abandonné même quand il est partit. “Attends moi, j’arrive ! “ je lance alors d’une petite voix éraillée. Il ne va pas me voir en bon état, mais tant pis, je suis toujours la même et avec le sourire que je viens de lui offrir, il ne peut qu’être sûr de mon bonheur en le voyant ! Je prends alors une veste, je mets ma perruque comme il faut et je descends le rejoindre, lui sauter dans les bras, même si j’ai encore mal partout !

Udeh – Je me souviens de lui comme un garçon doux et attentionné. Il venait toujours me voir la nuit, quand je pouvais plus facilement sortir, tel le prince charmant qui cogne la fenêtre de sa princesse pour venir la délivrer ou parler avec elle. J’ai toujours aimé cette image et quelque part, sa manière de faire me transportait toujours dans un autre monde. Nos moments ont toujours été une bulle de bien être même si je n’ai jamais compris ce que nous étions l’un pour l’autre entre nos moments tendres et nos discussions endiablées. Je crois que je peux dire que je l’aime sans frontières mais je n’ai aucune idée du degré. Je ne suis pas sûre de savoir ce que signifie aimer quelqu’un de manière romantique et l’être en retour ou encore avoir cette envie et ces papillons dans le ventre qui te disent c’est elle, c’est la bonne personne. Car en effet, on m’a tellement ancré dans le crâne que j’allais mourir jeune que je n’ai jamais voulu infliger une telle potentielle douleur à qui que ce soit. Mais parfois, j’aimerais le vivre, j’aimerais m’autoriser à savoir ce que ça fait. J’ai commencé à lâcher prise avec Lupe et lorsque l’on a fait notre visio, alors que je partais dans les labos le lendemain, mon cœur s’est emballé. Mais je réalise qu’il fait de même alors qu’Udeh est dans le jardin et qu’à l’image de nos nous enfants, il a répété l’histoire. Peut être qu’au fond, j’aime tout le monde ? Ou personne. Peut être que je ne suis pas faite pour ça. Je mourrai surement sans savoir. Est-ce si grave ? Probablement que non, mais j’aurais juste aimé avoir la sensation d’avoir été importante pour au moins une personne, une seule personne en dehors de mon père, et de la plus belle des manières. Celle que l’on peut lire dans les livre pour adolescents, celle que l’on peut voir dans les séries romantiques, ou encore celle que l’on peut s’imaginer au gré de nos lectures et de nos visionnages voire même des expériences de nos proches.

Enfin, j’aimerais courir et le rejoindre le plus rapidement possible mais je suis épuisée et j’ai des douleurs partout, spécialement aux endroits où j’ai reçu les injections et où j’ai des bleus. Un peu partout d’ailleurs à cause des contentions ou des gestes peu précautionneux de certains collègues de papa. Bref, je fais attention a bien mettre ma perruque pour ne pas choquer non plus et enfiler une veste puis je rejoins mon ami d’enfance dans le jardin. Il a surement été près de l’étang, nous aimions bien cet endroit. Il est caché du reste de la maison et nous pouvons profiter des étoiles. Et lorsqu’il faut plus frais ou que nous voulons nous mettre au chaud, à côté, à deux pas, il y a le jardin d’hiver.

Je le rejoins et arrivant derrière lui je le prends dans mes bras et dépose un baiser sur sa joue. « Bonjour vous. » je le salue d’une voix assez faible par rapport à d’habitude. Lui qui me connaît si bien, il notera la fatigue, l’amaigrissement, les marques et le manque de jovialité que cela soit dans mon regard ou mes gestes. Et malgré la veste, j’ai encore un peu frais alors je viens m’asseoir et me calle carrément à califourchon sur les jambes d’Udeh. « Comment tu vas ? » je lui demande. « Je ne pensais pas que tu viendrais me voir pile le jour de mon retour à Bâton Rouge. Je t’ai trop manqué ? » j’ajoute avec un sourire que l’on peut entendre dans ma voix ! je pose alors mes mains tremblantes sur son visage et remarque « Tu as l’air fatigué et plus mince. Tout va bien ? Tu manges à ta faim ? il s’est passé quelque chose ? Tu as été très discret ces derniers temps. »

A califourchon sur mon meilleur ami, je profite de sa présence et de sa chaleur. Prévenant - il l’a toujours été à mes yeux - il retire son blouson et le met sur mes épaules avant de l’ajuster. J’en profite pour respirer son odeur. Il a fumé. Encore et toujours. Je remarque qu’il vient me voir rapidement après mon retour et tente un peu d’humour mais mon physique inquiétant doit saboter mes propres tentatives. Tant pis. Je souris quand même à ses mots, parce que c’est Udeh, parce qu’il est gentil et doux et parce que ses mains chaudes près de mes hanches me font tressaillir. J’aime bien cette proximité en réalité. Pourquoi ne me le suis-je encore jamais permis? D’autant qu’il ne dit rien, il accepte. Peut être qu’il aime bien aussi? Peut être qu’il n’attendait que ça? je ne sais pas. En revanche, il me semble moins en forme que dans mes souvenirs. “Tu pourras toujours me surprendre grand nigaud ! Et j’espère que moi aussi !” je réponds en souriant. J’essaye de faire pâlir ma propre pâleur avec mon sourire, mais visiblement, j’échoue lamentablement alors que je fais part de mes inquiétudes le concernant à Udeh.

Non seulement je me suis vue et je suis horriblement moche mais en plus mon corps est plein de ces poisons des médecins. Alors je dis oui au diner !” Je l’enlace, chose qu’il n’ose faire de peur, surement, de me faire mal. Et serre moi fort, montre moi que tu es bien là et que je ne  suis pas encore morte Udeh ! “ je lui demande presque suppliante. Mais l’avoir proche de moi me redonne vie, peu à peu. Parce que j’ai envie de me battre pour lui, j’ai envie de redevenir sa petite Maywenn solaire. Il a tellement vécu de drames et à cause de moi il va en vivre un autre alros tant que je suis là je veux lui donner tout l’amour que j’ai.

Je me redresse légèrement quand il me demande ce que je veux faire et je plonge ma main dans ma poche. J’en sors un appier plié en quatre que je déplie et lui tends. “C’est ma liste des choses à faire avant de mourir. Tout ce que j’aimerais tester. Tu m’aides à rayer des choses?” je lui demande avec un grand sourire en déposant un bisou sur son front. Sur la liste il pourra lire les choses suivantes : manger un banana split, faire une virée en modo, faire une randonnée en forêt, rencontrer Lupe, faire du body painting, me faire tatouer, sortir dans une soirée mondaine, faire quelque chose de dingue, avoir une relation intime, tomber amoureuse, aller au cinéma, jouer au bowling, faire une bataille de polochons, organiser une soirée pyjama en dehors de la maison …”Je l’ai commencée pendant que j’étais enfermée dans le labo mais j’ai toujours plus de choses qui me viennent en tête. Alors, toi Udeh Lars Balatta, veux tu être celui qui fera de cette liste une réalité? ” je lui demande comme si je lui proposais une demande en mariage informelle.

Mais je vois son regard, celui qu’il pose sur moi. Alors avant que l’on bouge, je caresse sa joue avec un sourire. “ Ne sois pas triste ou inquiet. Ca va. Demain, je demanderai à mon Magicien des temps modernes de passer pour assainir mon corps et je serai toute pimpante, je te le promets ! “ J’essaye de le rassurer mais au fond, je ne peux pas réellement l’empêcher de s’inquiéter. Mon décès dans les prochaines semaines est un fait. Et même si je cherche à le cacher ou à l’oublier, mon corps me le rappelle malheureusement. Je serre la veste d’Udeh contre moi, non pas parce que j’ai froid mais parce que son odeur, même si elle est altérée par celle de la cigarette, me rassure et m’ancre dans la réalité.

Je le sens loin d emoi, non pas physiquement, non pas émotionnellement mais présentement. il est là et il tient à moi, mais il est déjà dans le futur néfaste que je lui offre et je n’aime pas voir ça. Je veux qu’il voit la Maywenn joviale et souriante qu’il a toujours connu malgré la maladie. Mais jusqu’alors, je pense que mon cencer n’avait rien de palpable vu qu’il ne m’avait pas vu d’aussi près. Je n’aurais peut être pas dû descendre et être aussi égoïste, j’aurais peut être dû attendre d’être en meilleure forme pour venir me jeter à son cou et lui demander de me serre fort de me montrer que je suis encore bien en vie. “ Mais Udeh, ne pense pas à ça. Je suis désolée, je n’aurais pas du te demander ce calin de la sorte. Je suis bien en vie, je suis là, dans tes bras, alors s’il te plaît, ne pense pas au pire, ne pense pas déjà à comment tu vas pouvoir garder le contact après. Garde le avec moi dans le présent déjà. S’il te plaît. Mon beau et vaillant meilleur ami. Celui qui a toujours été là dès qu’il pouvait.” Je ne veux pas qu’il parte, qu’il s’éloigne mais je m’en veux, en même temps, terriblement de lui infliger telle douleur. Pendant un moment de silence, finalement, son visage se pose dans cou laissant échapper, subtilement, un frisson qui parcours toute mon échine. J’inspire doucement, étire légèrement mon cou pour lui laisser de la place et sentir la caresse de son souffle créer des tas de petits papillons dans le bas de mon ventre. Ma main gauche passe alors délicatement dans ses cheveux, profitant quelques secondes de l’instant à la fois doux et enivrant. J’ai l’impression de vivre et je découvre des sensations que je n’ai encore jamais expérimentées. Cela me rappelle alors ma liste.

Liste que je sors et montre à Udeh. Il a toute ma confiance, toute ma vie entre ses mains. Et même si je sais que faire une liste peut paraître désuet voire ridicule, lui, il la lira et m’aidera à rayer certaines choses dessus. Quand il me parle de banana-split que je pourrais avoir ce soir même, mon regard s’illumine et miroite de mille et une étincelles. “ Nooooon ! Sérieux?” je demande avec une nouvelle énergie ! Me voilà alors arrivée à lui demander de m’aider à accomplir cette liste en utilisant son nom complet ! Je le fais toujours pour avoir l’air plus sérieuse que je ne le suis réellement. Et alors qu’il acquiesce je souris, ravie, animée d’une nouvelle joie qui va guider mes pas de la soirée. Je pose ma main sur sa joue et le rassure tant que je peux. Sa joue qui s’écrase contre ma peau ou encore ses lèvres qui effleurent mes doigts continuent de creéer cette volée de papillons qui a élue domicile dans mon bas ventre. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais c’est tellement doux et bon !

Je secoue positivement la tête avec un sourire quand il me demande si je veux commencer ce soir avant de pousser un petit cri de surprise quand il se relève tout en me portant, mes cuisses serrées contre ses hanches. Mes bras noués derrière sa nuque, je plante mon regard dans le sien. “Udeh…” je commence alors. Je pose mon front contre le sien. “Tu provoques tant de sensations en moi, mais cette promesse là, pour ce soir c’est sûrement la meilleure !” Je frotte alors mon nez contre le sien et reste un moment ainsi, à profiter, encore et toujours. “Pourquoi j’aime cette nouvelle proximité Udeh?” je lui demande dans un murmure à peine audible alors qu’il vient de me dire que l’on peut partir maintenant. “ Tu sais que j’irai n’importe où avec toi. Je te fais confiance…”