Le temps passe et enfin je retrouve une vie tranquille à Bâton Rouge. plus je me pose, plus je m’accorde le droit d’imaginer un avenir et plus je mes souvenirs d’enfance me reviennent. Parfois aussi doux qu’un coton que l’on se passe sur le visage et parfois aussi violents qu’un coup de poignard dans le coeur. Mais j’imagine que tout ce processus est normal. En revenant à Bâton Rouge, j’ai non seulement fuit ce que j’ai fait, j’ai mis une distance énorme entre nos gêoliers et moi-même mais j’ai aussi abandonné Moïra et ça je n’arrive pas à me le pardonner. Je ne pourrai jamais me le pardonner. D’uatant que je sens sa présence. Je refuse d’y accorder de l’importance car je ne veux ni entendre ni ressentir sa colère ou sa tristesse, de peur de sombrer avec elle, mais j’ai l’impression que ma petite soeur est avec moi, où que j’aille. Mais là n’est pas la question, il faut vivre, il faut avancer et se créer sa place dans le monde. Heureusement, Quinn et Ezechiel y contribuent largement. Puis Guadalupe est entrée dans ma vie, comme un bulldozer. Et si j’ai d’abord eu la peur de ma vie de lui faire du mal, désormais, sa présence m’est bénéfique et elle me donne des ailes pour continuer mon bout de chemin, pour découvrir l’homme que je suis devenu malgré l’enfermement et le manque de connaissances du monde actuel. Xander aussi a une place toute particulière car il m’a donné une chance, celle de réaliser mon rêve de gosse et désormais, je suis un entraînement intensif pour être pompier volontaire. Il y a aussi Samael. Cet homme est particulièrement intrigant. Si c’est sous sa forme de raton laveur que je l’ai fait entrer dans ma vie, c’est bien l’homme en lui qui m’attire indéniablement. On se ressemble et on est aussi complètement opposés. C’est assez étrange comme mélange mais je veux en savoir plus sur lui. Enfin, je pourrais citer toutes mes rencontres et l’importance de chacune mais aujourd’hui, c’est a ma demi soeur que je vais consacrer du temps. Celle avec laquelle j’ai loupé tant de temps, celle que j’ai failli rejeter par peur et celle qui devient de plus en plus une soeur, une vraie.

Comme elle a appris en même temps, le même jour et durant les mêmes minutes qu’elle avait un frère, une soeur et une mère décédée, depuis, j’essaye de faire au mieux pour lui raconter qui était maman et qui était Moïra. Par d’elles me fait beaucoup de mal, mais pour Lupe qui ne les a pas connu, c’est important. Elle doit savoir que Moïra aurait adoré l’avoir comme soeur ne serait-ce que parce qu’elle est un petit lapin tout mignon et que Moïra les aodrait. Elle avait même réussi à en ramener un dans notre petite cave. Mais aussi de par sa manière d’être si douce, si compréhensive et à prendre la vie comme elle vient. Elle a aussi le droit de savoir comment maman était, ses bons côtés comme ses mauvais. Et d’ailleurs, j’ai déterré ma boîte temporelle pour la partager avec Lupe une fois. Même si l’instant a pu paraître maladroit et encore distant, j’ai adoré ce moment de partage.

Et aujourd’hui, quelques mois plus tard, on se connait mieux, on s’appréhende mieux et j’ai même cessé d’avoir peur de lui parler et me sens beaucoup plus libre avec elle. C’est la raison pour laquelle je veux partager un instant assez compliquer avec elle. Depuis mon retour, je n’y suis pas allé, je n’ai pas eu la force de me mettre face à la réalité, aussi, je pense que Lupe et moi étant plus liés, c’est le moment d’affronter les choses. Je l’emmène au cimetière où maman a été enterrée. Et pour l’occasion je nous ai prévu de quoi manger et boire en son honneur de même qu’un livre photo retrouvé au Coven dans ses affaires qui ont été mises sous scellé lors de son décès. Je ne sais pas si je fais bien et je dois bien avouer que je n’ai pas pu m’empêcher d’envoyer un sms à Ezechiel pour qu’il me rassure et que désormais, attendant qu’elle arrive, je fais inlassablement les cents pas dans la maison. Et si elle le prenait mal? Et si elle voulait fuir? Et si elle ne voulait pas savoir? Et si je la perdais elle aussi pour une erreur? J’en ai marre de ne pas pouvoir être sûr de moi et de ne pas savoir contrôler mes émotions au point que mon angoisse vient de se matérialiser sous forme d’eau. J’ai travaillé de nombreux points mais celui ci, la gestion émotionnelle, reste un sérieux point noir, une ombre au tableau. “Respire Hayden, ça va aller, respire !” Et quand j’entends mon téléphone, je fais un bond de peur, laissant l’eau m’asperger de plein fouet alors qu’il ne s’agit que d’un message d’encouragement d’Ezechiel, cet homme merveilleux qui apaise toujours mes angoisse. Il est mon carburant. “Nom d’une sirène ! Hayden, bordel, ressaisis toi !” je m’engueule moi-même, enlevant mon t-shirt trempé pour aller en passer un autre quand la sonnette de la porte retenti.” J’arrive !!!!!” je lance à la volée dans les marches que je dégringole pour ouvrir à ma soeur. Je souris, chaleureusement et l’accueille avec un baiser sur la tempe.

Le temps finit toujours par vous rattraper. C'est la leçon d'à peu près toutes les histoires qui contiennent un secret ou un mystère. Le temps finit toujours par vous rattraper.
La chose semblait plus douloureuse quand il s'agissait d'une situation que l'on n'avait pas provoquée soi-même, car elle semblait si injuste que c'était à se demander ce que l'on avait fait pour devoir payer un tel prix. C'était un stigmate avec lequel elle était née, elle savait qu'elle allait devoir un jour y faire face, d'une manière ou d'une autre, et elle ne savait vraiment plus quoi penser de tout ce qui lui était arrivé depuis qu'elle avait appris pour sa mère, et l'existence de son demi-frère. Les probabilités de leur rencontre lui donnaient encore le vertige. Comme si le destin les avait poussés dans les bras l'un de l'autre, à la différence que la situation était tellement complexe, tellement inattendue que l'embrassade n'était pas encore envisageable. Ce qu'avait vécu Hayden était particulièrement traumatisant, et elle ne souhaitait en aucun cas le presser, bien au contraire. Elle essayait d'être ce qu'elle n'avait jamais été, mais qu'elle aurait sans doute aimé être, une grande sœur qui faisait ce qu'elle pouvait pour être présente tout en laissant assez d'espace pour ne pas être trop oppressante, mais l'équilibre était tellement difficile à trouver avec ce garçon qui était un parfait inconnu qu'elle avait l'impression d'enchaîner les bourdes.

Heureusement, elle avait Maywenn pour lui remonter le moral et l'encourager, la conseiller aussi parfois. Il lui arrivait parfois d'être un peu trop brusque, car trop énergique, et elle ne s'en rendait pas compte. La jeune femme lui rappelait à quel point elle pouvait être douce quand elle le voulait, même si elle avait l'impression qu'elle n'y arriverait plus jamais tant elle avait l'impression de se traîner toute une batterie de casseroles, au point qu'elle ne savait pas comment les autres faisaient pour ne pas les entendre la suivre à chacun de ses pas. Et pendant que Maywenn se battait chaque jour avec sa maladie, avec un courage et une force admirables, elle se trouvait misérable de se battre contre ses propres pensées à propos d'Eileen et de toute cette histoire. Elle avait eu une vie en or, avait toujours pu faire ce qu'elle voulait, quand elle le voulait, avait eu le soutien indéfectible de ses parents, n'avait jamais rien vécu de traumatisant en-dehors d'une histoire de harcèlement comme beaucoup de femmes en avaient vécu, et elle se sentait illégitime et honteuse à chaque fois qu'elle se rendait compte que ces mêmes idées lui tournaient en tête alors qu'elle pourrait se concentrer sur autre chose, comme s'employer à passer du temps avec May avant qu'elles n'en aient plus. Pour cette raison aussi, elle se détestait, car elle avait parfois l'impression qu'elle voulait tellement profiter qu'elle n'en profitait même pas vraiment, comme si elle volait ce temps à la jeune femme au lieu de lui consacrer. C'était stupide, elle le savait, et inévitable, car ce temps, elle le passait bien avec elle, et il n'y avait aucun doute sur le plaisir qu'elle prenait à même ne serait-ce que parler par messages. C'était d'ailleurs drôle de voir que même en vivant désormais dans la même ville et en se voyant régulièrement, elles avaient gardé l'habitude de se parler tous les jours, et ce même si elles savaient qu'elles allaient se voir.

Avec Hayden aussi, elle passait du temps, profitant de ses après-midi libres pour faire des activités avec lui, mais elle lui envoyait aussi des petites vidéos qu'elle trouvait sur les réseaux sociaux, des recettes qu'ils échangeaient, et parfois aussi, elle lui envoyait des photos de ce qu'elle avait fait, seule ou avec d'autres. Le but n'était pas tellement de lui étaler sa vie sociale, mais plutôt de lui donner potentiellement envie, de lui montrer qu'il pouvait lui envoyer autant de choses qu'il souhaitait lui-même, car après tout, ce n'étaient que des messages, ce n'était pas dérangeant. On les regardait quand on pouvait, on y répondait sur le coup ou pas, et il n'y avait rien d'intrusif. A moins d'envoyer dix messages à l'autre par minute, mais c'était encore une autre histoire. Elle savait qu'elle se faisait plus de souci et qu'elle prenait plus de distance que ce dont le garçon avait réellement besoin, d'un autre côté, elle avait l'impression d'être tout le temps tellement maladroite, et de devoir lui rappeler  tant de choses négatives qu'elle lui laissait peut-être parfois plus de place qu'il n'en aurait demandé. Elle se prenait trop la tête, elle le savait. D'un autre côté, elle préférait que ce soit Hayden qui lui donne le rythme, et depuis qu'elle se détendait un peu avec lui, qu'elle arrêtait de se dire qu'elle allait tout faire de travers et de culpabiliser pour quelque chose dont elle n'était pas responsable. Mais elle ne s'était pas attendu à ce qu'il lui propose d'aller sur la tombe de leur mère. Le plus ironique dans l'histoire, c'était qu'elle avait présenté la chose comme tout à fait logique quand elle en avait parlé avec Maywenn. Quoi de plus logique, après tout ? Alors pourquoi elle ne s'y était pas attendu, c'était une bonne question. Peut-être qu'elle avait senti dans ces moments où il avait parlé de Moira et d'Eileen qu'il y avait une énorme blessure qu'il ne parvenait pas à refermer, et que s'il avait dû le faire, il aurait demandé à Quinn ou Ezechiel de l'accompagner la première fois. Mais peut-être que c'était déjà le cas ?

Que ce soit le cas ou non, elle était arrivée sur le paillasson avec la sensation d'être si légère qu'elle allait s'effondrer à tout moment. Ce n'était pas une légèreté de soulagement, plus une fébrilité comme une usure jusqu'à la corde, un fil prêt à se rompre à chaque instant, mais qui tenait encore, dans l'espoir que les autres soient capables de se rabibocher avec le temps. Elle venait de finir son service et s'était changée, ayant passé une tenue simple, comme bien souvent. Elle ne savait pas exactement ce que son frère avait prévu, mais dans le doute, elle avait préféré mettre un jean au cas où elle envisagerait de s'asseoir sur le sol. Elle avait sonné et attendu que son frère ne sorte, essayant de ne pas fixer les alentours comme elle avait pris l'habitude de le faire pour ne pas avoir l'air de s'ennuyer à l'avance. Elle entendit la voix déjà bien rétablie du sorcier et les pas lourds, francs comme ceux d'un enfant dans l'escalier. C'était drôle comme il y avait des choses qui nous restaient, malgré les années. Elle, c'était de sautiller sur place quand elle était heureuse ou qu'on venait de lui faire une surprise qui lui plaisait. La porte s'ouvrit et en parlant de surprise, elle eut celle de recevoir un baiser sur la tempe accompagné d'un sourire à faire fondre n'importe qui. Elle se prenait décidément beaucoup trop la tête. Avec un sourire attendri, Guadalupe approcha une main du visage de son petit frère et remit ses cheveux en arrière en lui glissant un bonjour.

« Je ne suis pas arrivée trop tôt, au moins ? »

Elle entra à sa suite et retira ses chaussures par principe, se rappelant que Quinn était maniaque.

« Prends ton temps pour terminer de te préparer, je n'ai rien de prévu du tout aujourd'hui. » Elle laissa son sac dans l'entrée et adressa à son frère un sourire amusé. « Tu as eu une matinée chargée ? »

La vérité c’est que je n’ai pas encore réussi à me rendre sur la tombe de maman. Quant à celle de Moïra, encore moins. Je suis responsable de son décès et cette tombe date de l’époque où l’on nous croyait morts. En réalité, je ne sais pas quoi faire, comment me comporter et cette blessure est tellement béante que je n’ai même pas pu en parler à mes proches, à Quinn ou à Ezechiel que j’aime pourtant énormément. Finalement, appeler Guadalupe et lui demander de m’accompagner a été une évidence. Elle est ma soeur. Eileen était sa mère. Moïra sa soeur. Qui de mieux placer que la famille pour vésiter les tombes de nos êtres chers. Car même si ma soeur ne les a jamais connu, depuis que l’on s’est retrouvés, je mets un point d’honneur à lui donner des détails de vie sur les deux, des détails dont je me souviens de quand j’étais petit avec maman et de Moïra tout au long du chemin que l’on a parcouru pour qu’elle ait l’impression d’avoir déjà pu les regarder dans les yeux, les toucher, les câliner, leur parler de vive voix ou encore vivre des expériences avec elles. Et même si je sais que c’est un leure, qu’au fond, je ne fais que transmettre ma propre expérience avec chacune d’elle, je sais aussi qu’avoir cette sensation que la personne, même décédée, est une partie de nous, reste rassurante.

Ce qui me fait le plus mal au coeur dans tout ça, c’est que j’ai bien compris que la copine de ma soeur est mourant et bientôt elle aura trois tombes à visiter. C’est dur, c’est horrible mais pour moi, elle est d’autant plus forte et l’image même d’une femme de caractère à mes yeux. Elle semble savoir ce qu’elle veut, savoir où elle va, quelle voie elle doit emprunter et elle devient de plus en plus le modèle que je veux suivre. Evidemment, elle a ses défauts et ses qualités mais je ne vois que les bons côtés. Il peut y avoir mille et une explications à cette vision, mais sincèrement, je m’en fiche. Laissez moi idéaliser ma grande soeur ! J’en ai besoin ! C’est presque viscéral.

Et en parlant d’elle voilà qu’elle sonne à la porte. Je sais d’avance que mon accueil va la surprendre mais j’essaye moi-même de me surprendre aussi voyez-vous ! Pour avancer il faut se dépasser. Je luiparle sans problème, enfin, presque sans problèmes, je n’ai plus cette affreuse tendance à vouloir l’arroser dès que je me sens oppressé, alors il est temps de lui offrir des bisous et des câlins, comme des frangins normaux et complices. Enfin les câlins pour le moment … je ne sais pas ! Mais en tout cas, sa main dans mes cheveux puis sur mon visage m’amène à fermer les yeux, appréciant le contact comme si une énergie nouvelle venait d’elle pour me traverser tout entier.

“Non ! Tu es pile à l’heure ! Mais je stressais trop de ta réaction et je me suis auto-arrosé.” je réponds un peu rapidement. Dois-je toujours avoir honte de faire des conneries pareilles ? Nn je ne pense pas. Je crois qu’elle est assez bien placée pour savoir ce qu’est se poser mille et une questions pour être sûr de prendre la bonne décision. “Merci, je vais juste monter me mettre un t-shirt sec.” je réponds avec une grimace pour accompagner les mots. Je me sens tellement plus léger, comme si, aussi, savoir qu’elle est garou m’aidait à me rassurer quant à sa force pour me résister. Comme si, retrouver ma ville natale m’aidait également à croire en moi. Mais en réalité, c’est elle, ma soeur, Ezechiel, mon copain et Quinn mon sauveur et meilleur ami, ou encore Xander mon boss et celui qui m’a donné une chance, Judd, mon ami, Morgana cette fille étrange avec qui je ne définie pas ma relation qui m’ont donné la force d’avancer et de me dépasser, la force de tout mettre en oeuvre pour devenir celui que je veux être malgré les épreuves de la vie. Je sais que tout cela ne tient qu’à un fil, un simple fil tout fin, mais j’y tiens, comme à la prunelle de mes yeux et je ferai tout pour aller de l’avant.
“Non j’ai juste préparer un pique nique et quelques affaires, si ça ne te fait pas trop bizarre de faire ça près de la tombe de maman.” je lance alors dans un souffle histoire de percer l’abcès directement. Et j’avoue qu’en attendant la réaction de Guadalupe, je suis en apnée complète le regard tourner vers ses chaussures qu'elle vient de laisser à l'entrée pour ne pas salir le sol. En espérant qu’elle ne laisse pas trop traîner la réaction.